Ne partez jamais seul ! Voyage dans les Dolomites en février
Petit retour en arrière
Nous sommes mi-février et il n'y a plus grand chose à se mettre sous les spatules dans nos Alpes suisses. L'état de manque se fait alors gentiment ressentir, la bouche est pâteuse, quelques spasmes apparaissent et les yeux s'écarquillent. En général, dans ce genre de cas, on enclenche les notifications de wepowder.com et tous nos sens se mettent en état d'éveil maximal, attentifs à la moindre précipitation qui viendrait déposer ses flocons si désirés dans un rayon de 200 kilomètres autour de chez nous.
ALERTE GÉNÉRALE !
Une importante perturbation vient d'atteindre les Alpes du Sud, avec le front le plus actif dans la région des Dolomites. C'est décidé, nous partons pour San Martino di Castrozza, une station qui m'est familière puisque j'y ai déjà passé plusieurs semaines pour un projet de film en 2018. J'ai tout de suite eu un coup de cœur pour la région et je me suis promis d'y retourner. Le moment est venu, je contacte mes amis Vincent, Alex et Nico, tous sont partants. Andiamo.
San Martino di Castrozza
Alors que les Dolomites sont surtout connues pour les stations huppées de Val Gardena et de Cortina, cette petite station du sud des Dolomites offre plusieurs avantages :
1. Il y a Eric, guide de montagne et excellent skieur, qui est ravi de troquer pendant quelques jours ses soldats américains contre des skieurs suisses. Les GI sont stationnés à Vicenza depuis la fin de seconde guerre mondiale, et profitent de leur emplacement en Italie pour se former aux « techniques alpines », c’est-à-dire skier des montagnes de rêves avec pause pizza à midi. “Drop cliffs, not bombs”.
2. Il y a Carla et son Hôtel Regina 4****qui s'est imposé comme le stamm' des freeriders. De Simone Morro à Messner, une myriade de stars y ont séjourné, et des œuvres d'art alpines et des illustrations du siècle dernier décorent le hall d'entrée. Mon attention est attirée par une affiche du Club Alpino Italiano. Elle rappelle le code de conduite de l'alpiniste ; je le lis et retiens la phrase suivante "NE PARS JAMAIS SEUL : INDIQUE TON BUT". Comme une prémonition.
3. Ce petit massif du Pale di San Martino, percé de nombreux couloirs, est un peu à l'écart des grandes stations italiennes. Che tranquillità. Ces différents couloirs et itinéraires de ski sont souvent entrecoupés de rappels et se terminent dans des fonds de vallée sauvages, ce qui limite également le nombre de skieurs.
La Pale di San Martino, ça a le nom d'une spécialité culinaire italienne, mais c'est simplement un haut plateau, que l’on atteint grâce à une télécabine accrochée sur le flan de la montagne: La Rosetta.
De ce plateau situé à 2500 m d’altitude, nous pouvons accéder aux différents couloirs et vallées depuis leur sommet. Et c'est précisément ce que l'on a fait:
Tramadol e Trento DOC
Nous en sommes au troisième jour et les conditions sont fantastiques. Le relief lunaire rend ce lieu unique. Après deux premiers superbes runs, nous descendons dans un vallon, la neige est légère, le soleil joue à cache-cache derrière les sommets des Dolomites. Nous sommes seuls au monde, c'est exactement pour ce genre de moments magiques que je skie, j'ai envie de capturer cet instant et je m'apprête à sortir mon téléph.. STOP! Un corps inerte à ma droite. Des traces de sang sur trente mètres en amont. En une fraction de seconde, tout bascule. Je me précipite vers l'homme, il est encore en vie. Je tente d'appeler les secours: pas de réseau. Nico et Alex remontent au col en quête de couverture téléphonique, ils en ont pour une heure. Pendant que Vincent s'occupe de notre rescapé, je vais chercher des couvertures au bivouac qui se trouve en aval. En tant qu'aspirant guide et aspirant médecin, Vincent a une dose - Dieu merci non pas d’aspi-venin - mais de tramadol dans sa pharmacie de premiers secours. Visiblement, le produit fait rapidement effet, le mec a l'impression d'être encore en train de skier, il demande combien de virages il reste jusqu’à ce qu’on arrive. Une heure plus tard, l'hélicoptère s'envole avec le miraculé du jour à son bord.
Nous arrivons à l’hôtel de nuit, le Trento DOC n’a jamais été aussi bon et la polenta aussi savoureuse. Nous profitons des deux derniers jours à skier ensemble ces montagnes magnifiques.
Il miracoloso
Nous apprendrons plus tard qu'il miracoloso a uniquement deux vertèbres cassées, ce qui est un véritable miracle après une chute de 200 mètres. Ce type est littéralement tombé du ciel. À vrai dire, nous aussi.
Nous avons aussi appris que nous étions les premiers de la saison à skier cette vallée. Quand je pense que nous avons longtemps hésité entre cet itinéraire et un autre, je me dis que parfois la vie ne tient pas à grand-chose.
Nicolas Gendre portant notre Moiry Black avec les lentilles Zeiss Flash Electric (cat. 4)
Informations pratiques
En cette fin de saison, les conditions dans les Dolomites sont exceptionnelles. Si le cœur vous en dit, n'hésitez pas à rendre visite à Carla et son hôtel fantastiqueet contactez Eric Giradini pour vous guider - nous vous le recommandons vivement !
Très belle fin de saison à tous.
PS 1 : ne partez jamais seuls
PS 2 : un téléphone satellite en montagne, ça peut toujours être utile, même en 2024.